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Blog littéraire.


Un patchwork in progress

Publié par olrach sur 25 Décembre 2013, 11:13am

 

            Deux années durant, François Beaune a parcouru la Méditerranée en quête d’histoires plus ou moins authentiques qui, de Marseille à Palerme, en passant par Tanger, Jérusalem, Hébron, Beyrouth ou Tunis, feraient entendre la diversité chorale d’une civilisation latino-arabe, toujours disparue, sans cesse renaissante. S’il s’inscrit dans le cadre du programme consacrant Marseille, capitale européenne de la culture en 2013, ce projet revendique surtout une dette à l’égard de Paul Auster et des émissions radiophoniques qu’il animait à partir de récits envoyés par les auditeurs.

            François Beaune se lance alors dans une odyssée foisonnante, récoltant les anecdotes les plus incongrues et les plus étonnantes à la fois, qu’il classe selon les différents âges de la vie. Se rattachant aux poèmes épiques de l’Iliade, de l’Enéide ou des Métamorphoses d’Ovide, ayant façonné tout un pan d’une culture européenne en quête d’identité (mais les identités sont toujours multiples et polyphoniques, à chaque civilisation plusieurs vies sont dues), ces Histoires vraies nous font tout d’abord entendre le bruit et la fureur de l’Histoire, avec sa grande hache. De la Shoah à la guerre des six jours, du printemps arabe au massacre syrien, François Beaune nous rappelle la permanence de la guerre et de la violence, sous toutes ses formes. Et nous livre à travers l’apparition inattendue d’Edward Snowden interviewant le chef du Hezbollah libanais une des clefs de ce chaos. La Méditerranée reste le berceau des trois religions monothéistes au travers desquelles, d’Athènes et du Pirée, en passant par Gibraltar, continuent de nous faire signe les dieux grecs de la débauche et de l’hospitalité, de l’éternel départ et du retour sur soi impossible. La Méditerranée est bien cet espace clos et ouvert à la fois, fourmillant de guérites, d’où les peuples se surveillent les uns les autres mais n’ont aussi de cesse de s’ouvrir à l’autre et de fonder ces royaumes qui nous sont chers. Hébron, ville située en Cisjordanie, n’est pas pour rien l’un des points d’ancrage de cette odyssée contemporaine. Terre toujours associée à Abraham, patriarche biblique dont la filiation est revendiquée par les juifs et les musulmans, Hébron est comme le lieu de naissance d’une civilisation qui reste encore à construire.

            Car enfin, ces histoires nous touchent aussi, moins en raison des drames dont elles sont les dépositaires, qu’en raison de la beauté de gestes et de paroles, de miracles même dont elles se font les messagères. A l’image de ces soldats syriens cueillant au sommet de peupliers des fleurs blanches de coton afin qu’un couple libanais n’en vienne pas à se séparer. Tel ce marseillais fanfaron évoquant la bague que lui aurait offerte, en une scène sous-marine digne des Mille et une nuits, sa grand-mère par l’intermédiaire d’un poulpe. Tel cet enfant des rues de Casablanca qui, après avoir attendu des années durant sa mère, à l’intérieur d’une gare routière, se bâtit un chez-soi au-dessus du Marché Central de la ville. Les histoires sont innombrables et à travers cet art ancestral de la parole, François Beaune renoue non seulement avec sa propre histoire errante et vagabonde qu’avec la tradition de ce que la littérature a pu produire de plus cher.

            François Beaune, La lune dans le puits, « Des histoires vraies de la Méditerranée », Editions Gallimard, Collection Verticales.

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