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Blog littéraire.


Au coeur étincelant des ténèbres.

Publié le 15 Octobre 2012, 12:34pm

     Publié dans la collection « Traits et Portraits » dirigée par Colette Fellous, au Mercure de France, le dernier roman de Yannick Haenel, Le sens du calme, se range d'entrée de jeu sous les auspices du récit initiatique. A la recherche des moments fondateurs de son rapport poétique à l'existence, l'auteur reconstruit sa vocation d'écrivain en la plaçant en marge de toute sociabilité. De Nuit et Brouillard projeté à l'école et l'ayant confronté au bord volcanique de sa première page blanche à l'anecdote du Christ trouvé dans une poubelle jusqu'aux vertiges éthyliques d'un pensionnaire à la Villa Médicis, Haenel ébauche un autoportrait de l'artiste en anti-héros mystique cherchant moins à conquérir un absolu qu'à se soustraire à l'emprise criminelle que revêt toute forme de communauté.
            Le récit de Flaubert consacré à la Légende de saint Julien l'Hospitalier constitue l'un des fils conducteurs de ce récit irradiant. La malédiction qui pèse sur le destin « constellé d'annonces » de celui qui accomplira la sombre prédiction du parricide et du matricide n'a d'égale que la sacralité de celui qui, devenu insacrifiable, accueillera sur sa bouche le baiser du lépreux. Là où est le plus grand danger, où le néant procède pour rien à des hécatombes ininterrompues - vierges sacrifiées à la fureur monstrueuse du Minotaure - croît aussi ce qui sauve du labyrinthe dont Haenel nous rappelle qu'il n'existe que pour cesser de croire aux murs. « L'obstacle n'est qu'un détour. »
            Au fil d'Ariane se substituent dès lors les cheveux tressés de Vénus, le buisson ardent du désir, les langues de feu incandescentes de l'acheminement en soi du langage. Une transsubstantiation où le sang de l'âme est à l'unisson de l'encre de l'esprit. Comme dans ce tableau de Cagnacci, Madeleine évanouie, où l'on voit la sainte tenir entre ses jambes le crâne d'un mort, la tête en liberté de l'écrivain jouit de l'afflux en lui du désir qui vainc l'impossible. L'amour seul - mesure parfaite et réinventée - peut regarder la mort en face. Yannick Haenel, on le sait, est entré en écriture comme on entre dans les ordres, c'est-à-dire au bordel, au désordre que sont nos désirs. A l'instar de Dante accompagné de Virgile, on traverse ici les marges de l'écriture et les cercles de l'enfer en compagnie de Bataille ou d'Artaud, de Rimbaud ou de Lautréamont. Le sens du calme est aussi un hymne à la paternité poétique.

Yannick Haenel, Le sens du calme.

Au coeur étincelant des ténèbres.
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