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Blog littéraire.


Une espèce de suspense sans histoire

Publié par olrach sur 17 Août 2014, 20:04pm

  Baudelaire, Godard, Visconti... On ne sait qui a inspiré à Jean-Jacques Schuhl le titre de son recueil de nouvelles Obsessions; les trois assemblés, collés l'un à l'autre selon une esthétique de la composition chère à l'auteur. Le recueil est à l'image du titre, disparate. Aux anecdotes facétieuses où l'on voit le narrateur en costume de gangster nippon errer dans une fête techno ou attablé dans l'unique restaurant parisien ne servant que des pieds de porc, s'ajoutent des souvenirs plus intimes faisant défiler sur la pellicule d'un temps disparu les figures de Jean Eustache, Andy Warhol ou plus près de nous, Philippe Garrel ou Jim Jarmush. Entrée des fantômes ayant érigé leur savoir-faire technique en art de vivre.

 

Souvent l'auteur d' Ingrid Caven et de Télex n°1 a revendiqué un parti-pris d'impersonnalité, à l'image du poète surréaliste Jacques Rigaut écrivant avant de se suicider : « la perte de la personnalité, c'est la seule émotion qui me reste. » En cela, rien de factice, nulle affectation. L'impersonnalité n'est pas une fin en soi mais un moyen de solliciter les instants fugaces d'une vie résolument poétique et de cristalliser leur incandescence. Or Schuhl, après Burroughs, est l'un des rares romanciers contemporains à avoir su prolonger dans son écriture la beauté d'un travelling ou la fulgurance d'un raccord. Il suffit de lever la tête pour voir apparaître une feuille de journal voltigeant dans l'air de la nuit. Il suffit de modifier la conjugaison d'un verbe pour que le présent fasse ressurgir un passé révolu. Si en creux, ces nouvelles nous livrent quelques obsessions propres à l'auteur – celle du dandysme chic, de l'errance vagabonde, de l'usage immodéré des analogies ou autres jeux de collage ou de collure, de la couture des textes ou d'une robe de chambre postmoderne – elles célèbrent surtout le souvenir des amitiés passées et présentes à la fois des cinéastes qui, à l'image de Jean Eustache, ont su capter « le suspense de chaque instant … et les instants qui n'aboutissent jamais à une histoire... le temps... ». Un exceptionnel grand cru!

 

Jean-Jacques Schuhl, Obsessions, Editions Gallimard, Collection « L'Infini »

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