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Publié par olivier rachet sur 28 Février 2017, 20:53pm

      Ils se retrouvent après trente ans, à la sortie d’une émission de Thierry Ardisson. Guillaume Fronsac reconnaît en la jeune fille en noir une ancienne camarade avec laquelle il prépara le concours d’entrée à l’ENA. Leurs chemins ont bifurqué comme semblent antinomiques des tempéraments et des visions du monde en apparence irréconciliables. Il a fréquenté les ministères, les grands de ce monde ; elle s’est lancée dans une carrière littéraire pudique et subversive à la fois. Ils déambulent dans un Paris où l’Histoire fait signe à chaque coin de rue. Nous sommes au cœur de la capitale, entre la place de la Concorde où les Français décapitèrent leur roi et la place Vendôme où trône une colonne coulée dans le bronze des canons d’Austerlitz. La France républicaine s’enorgueillit toujours de ses grands hommes auxquels elle voue une reconnaissance béate et éternelle. La classe politique et médiatique, l’oligarchie économique et financière - ce que les démagogues de tous bords fustigent sous le nom de système - se gargarise d’un passé glorieux que la société contemporaine perpétue sous le nom de spectacle. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir de l’immense farce télévisuelle que fut la commémoration, en 1989, du bicentenaire de la Révolution. « Le vrai ressort », écrit la narratrice, réside toujours « dans la vanité, cette poupée mécanique qui rend idiots les plus intelligents, ridicules les plus talentueux, et résume à Paris toutes les passions. »

      Les souvenirs et les anecdotes affluent entre les deux camarades de jadis. On assiste à une comédie humaine sur laquelle la romancière porte le regard d’une moraliste. Dans la pure tradition française des mémoires du cardinal de Retz ou du duc de Saint-Simon auquel Cécile Guilbert a consacré l’un de ses premiers essais : Saint-Simon ou l’encre de la subversion. Chronique du temps présent et des trente dernières années, Les Républicains est le récit désenchanté d’une génération ayant perdu, au contact des réalités, ses illusions et ses idéaux. Les coulisses de l’Histoire politique nous dressent le portrait d’êtres amers quand ils ne sont pas cyniques, pour lesquels la subversion est devenue un masque cachant mal une avidité infinie de pouvoir. On croise, comme dans Le Temps retrouvé, des spectres n’étant plus que l’ombre d’eux-mêmes, à l’image de ce photographe vaniteux et intéressé, ayant récemment défrayé la chronique politico-judiciaire : « Découvrir cette silhouette vieillie dans le décor de ses années fastes revenait à superposer deux récits, deux temporalités, à ajouter une touche de mélancolie proustienne à la brutalité de l’avidité balzacienne. »

      Les deux protagonistes du récit se jaugent, dérivent dans un Paris où pèse la menace d’attentats islamistes. Peut-être jouent-ils à se séduire comme opère dans ce milieu parisien narcissique et opportuniste le culte de l’entre-soi. Une nouvelle classe nobiliaire politico-médiatique s’évertue à tisser « le maillage de l’entregent », ces réseaux permettant à un prétendant à l’investiture suprême de rémunérer le stage de fin d’étude de ses propres enfants ou de détourner sans complexe l’argent public à des fins privées. Le titre du roman est doublement ironique : à l’usurpation par un parti politique des valeurs républicaines fait écho une passion typiquement française pour la restauration des privilèges. D’une Restauration l’autre, telle est la clef de l’Histoire de France depuis la chute de l’Ancien Régime dont le pouls continue de battre sous les oripeaux de ceux aspirant à gouverner leurs semblables, leurs frères ! « Français, encore un effort pour être républicains ! » écrivait le marquis de Sade dans La Philosophie dans le boudoir. Voter Sade comme y invite dans le roman le tract du Parti surréaliste belge, ne serait-ce pas en finir avec le culte de tout être suprême et une passion morbide de la table rase dont les indignés et insoumis d’aujourd’hui restent comiquement prisonniers ? Comme y incite la lecture du roman, nous continuerons pour notre part de relire l’histoire de France et méditerons les leçons des classiques, de Saint-Simon au marquis de Sade, en passant par Céline, Proust, Balzac et consorts. Vive la République des Lettres et vive la France, fille publique de l’Église et du Boudoir !

             Cécile Guilbert, Les Républicains, éditions Grasset. 

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