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Blog littéraire.


La passion de défendre

Publié par olivier rachet sur 29 Novembre 2018, 17:05pm

   Explorer ses failles et ses blessures pour aborder la question de la justice, tel est l’angle de vision choisi par Thierry Illouz dans un texte faisant l’archéologie de sa passion de défendre. L’auteur est avocat, a plaidé le plus souvent en cour d’assises ou dans des tribunaux correctionnels, rarement du côté des victimes, le plus souvent aux côtés des accusés. « Je voudrais que l’on se soucie des abandonnés », déclare d’emblée celui qui, dès ses plus jeunes années, a connu l’exil et la migration. Né en Algérie, d’un père policier et d’une mère enseignante, il vivra ses années d’enfance en Picardie, dans un quartier populaire. « J’ai compris la faiblesse et j’ai commencé à défendre », ajoute-t-il, lui qui prit d’abord conscience du fardeau que représentent toujours la pauvreté et l’exclusion en fréquentant la bibliothèque municipale. À propos de la pauvreté, l’auteur insiste : « C’est ce mot et lui seul qui divise le monde, qui conduit aux infractions, aux désordres, aux terreurs. » L’interroge surtout l’attitude de ceux qui rejettent d’une norme toute relative ces criminels dont les actes, pour inexcusables qu’ils soient, sont toujours défendables : « Nous avons tous au fond de nous des passions et des dérèglements ». Crimes passionnels, abjects, actes de vengeance ou de rachat, chaque meurtre porte en lui, comme l’aurait écrit Montaigne, la forme entière de l’humaine condition. L’empathie qui est celle de l’auteur à l’égard, non du crime, mais des criminels paraîtra scandaleuse à beaucoup, à l’heure où nous ne jugeons plus qu’à l’aune d’un discours victimaire dont l’écrivain-avocat montre qu’il n’épargne plus désormais les inculpés eux-mêmes. Mais il s’agit d’en finir avec une métaphysique du mal, et par là-même du bien – ces axes moralisateurs et puritains transformant la justice en tribunal inquisitorial et la société en une surveillance généralisée dispensatrice d’incessants verdicts – pour lui opposer une éthique de la compréhension et de la responsabilité. Métaphysique du Bien et du Mal qui gangrène tout autant les discours identitaires faisant aujourd’hui florès et réhabilitant en sous-main la prééminence d’une « lignée du sang » désespérément communautaire à laquelle s’oppose vigoureusement cette « identité du sol et des autres autour de soi » ; l’auteur ajoutant ne croire « qu’au mariage », de tous les membres de la communauté nationale s’entend. Tel n’est d’ailleurs pas le moindre des intérêts de ce texte magnifique que de rappeler l’importance même de la justice à l’heure où des passions identitaires de repli se déchaînent sournoisement : « La justice ne peut s’entendre pour moi que dans un sens collectif, une réparation du contrat social », « On ne dit pas assez le risque vertigineux d’un monde sans principes et sans protections ». Essentiel !

Thierry Illouz, Même les monstres, éditions L’Iconoclaste.

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