Le sexe, l'amour. Love streams, le dernier film de John Cassavetes, sublime, affronte le coeur de la civilisation judéo-chrétienne. L'écrivain alcoolique incarné par le réalisateur interroge, dans la séquence inaugurale du film, une jeune prostituée sur les plaisirs qu'elle préfère : celle-ci hésite, ne sait pas bien. Le sexe? lui demande son hôte. -Oui, pour l'argent, rétorque-t-elle. Entre alors en scène la soeur de l'écrivain incarnée par Gena Rowlands, débordant d'amour comme si l'amour était déjà en trop, nous submergeait par son torrent irrésistible. Elle est en instance de divorce et ne sait plus très bien comment utiliser l'amour qui est en elle. Après s'être rendue en Europe, elle retrouvera son frère et vivra auprès de lui quelques moments de naufrage.
Les personnages saignent abondamment dans ce film et les stigmates de l'amour sont ici le signe d'une crise même des sentiments. Le frère saigne de ne pas avoir su être père. Le fils saigne après s'être échappé des bras lâches de son père. L'amour est cette croix pesante, incandescente que les personnages ne savent plus comment porter. Sarah met en gage l'amour, parie sur sa puissance, se demande si les torrents d'amour ont un flux continu. Pour son psy, nul doute que l'amour s'achève, qu'il se rompt. Pour le frère de Sarah, il n'est déjà plus.
Débarquent alors, dans une arche de Noé improvisée, deux poneys, des poules, une chèvre, une perruche, un chien, un canard mais Sarah - nul n'est prophète en Californie - croit s'être trompée. Les animaux seront peut-être sauvés mais ils ne sauveront pas son frère de sa lente agonie. Les meurtrissures d'amour n'offrent aucune rédemption possible.
Sarah quitte alors son frère sous une pluie torrentielle. Raccord jazz. Plan large solitude. L'amour est mort.