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Blog littéraire.


La fin des utopies

Publié par olrach sur 7 Octobre 2013, 18:35pm

 

            Ils sont deux. Réfugiés de nulle part. En provenance d’une zone appelée Belstar. Ils ont été rebaptisés. L’enfant, David, est accompagné d’un homme, Simon, qui pourrait être son père, son grand-père, un apôtre sans Messie. David a perdu la trace de sa mère que son compagnon lui a promis de retrouver. Leur arrivée dans une zone inconnue est digne des meilleurs romans de Kafka, angoissante et réaliste à la fois. Des hommes et des femmes de bonne volonté vont les aider à s’installer, à trouver du travail mais leurs conditions de vie resteront rudimentaires, précaires. Simon confiera l’enfant à une femme inconnue, Inès, dont il a la révélation qu’elle pourrait être la mère de David. Révélation surnaturelle et désespérée qu’en d’autres temps on aurait appelé foi ou croyance. Or, de ce monde où l’exil semble être devenu la règle, on ne s’affranchit qu’au prix d’un plus grand exil encore. L’enfant roi deviendra capricieux et effronté ; il conduira ses parents adoptifs à s’enfuir de nouveau.

            Apatrides, réfugiés politiques, économiques, climatiques, gitans ? On ne sait quelle est la condition de survie des personnages auxquels s’attache dans cette parabole troublante J.M. Coetzee. Ces hommes et ces femmes ont encore foi en leur humanité mais elle reste ancrée dans une immanence qui désespère les protagonistes. Le monde que nous décrit l’auteur a perdu son horizon. Le meilleur des mondes n’est plus possible, la social-démocratie est devenue le seul réel possible contre lequel on se cogne. Si le siècle précédent aura été tragiquement celui des utopies messianistes, le XXIe siècle débutant ne serait-il pas celui d’un temps figé dans ses acquis où l’idéologie serait devenue Loi ? Le rapport au Temps et à la filiation est interrogée admirablement par Coetzee qui met en scène des personnages ayant été lavés de leur passé, de la mémoire du monde. Le présent perpétuel auquel nous vouons en secret un culte effrayant ne signerait-il pas la mort de toute réalité possible, de la promesse, du don dont ne sait que faire Inès lorsqu’elle adopte le jeune David ? A l’image de Faulkner qui pensait que si Jésus revenait, « il nous faudrait le crucifier bien vite » et que si Vénus revenait « ce serait sous les traits d’un pouilleux dans les pissotières du métro la main pleine de cartes postales obscènes », Coetzee décrit un monde déserté par toute forme d’élection. Un monde où les sociétés deviennent interchangeables et qui voit disparaître la possibilité même de toute transfiguration ou assomption, que Joyce appelait en son temps des épiphanies. A moins que le roman constitue encore notre ultime planche de salut ?

 

                 J.M Coetzee, Une enfance de Jésus, Seuil.

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