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Blog littéraire.


D'un naufrage l'autre

Publié par olrach sur 26 Octobre 2015, 19:05pm

 

            Comme nous tous, Maylis de Kerangal est à l’écoute du monde ou devrions-nous dire des mondes. Du monde extérieur qui voit l’affluence de migrants fuyant des pays dévastés par la guerre ou la misère, en quête de cette hospitalité qui était chère aux grecs anciens et dont notre héros européen aux mille ruses, Ulysse, bénéficia à plusieurs reprises. Mais l’auteur de Naissance d’un pont et de Réparer les vivants est aussi à l’écoute de son monde intérieur, parcouru de souvenirs de voyages ou de voyages en ces terres inconnues qu’explorent la littérature ou le cinéma.

            Tout part ici de Lampedusa, île méditerranéenne dont l’auteur souligne avec talent qu’elle appartient à ces îles volcaniques « émergées à la convergence des plaques tectoniques africaines et eurasiennes ». En 2013, le naufrage d’un navire de fortune en partance des côtes libyennes cause la mort de centaines de migrants. Le drame se répétera. Lampedusa. Le nom évoque aussi à tout cinéphile averti le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa adapté par Luchino Visconti au cinéma sous le nom du Guépard. Burt Lancaster y incarne le rôle titre de Don Fabrizio, prince de Salina, symbole d’une aristocratie agonisante face à Don Calogero, paysan fortuné qui unira sa fille Angelica à Tancredi, le neveu du prince. Né en 1913, Lancaster est issu de l’émigration anglo-irlandaise ayant rejoint les rives d’Ellis Island, « il est le prince et le migrant ». Maylis de Kerangal se souvient notamment de la scène culte du bal au cours duquel Angelica, incarnée par Claudia Cardinale, épouse Tancredi. Scène du naufrage d’une société qui en convoque un autre, celui d’une Europe ayant perdu la boussole de ses valeurs et de ses principes fondamentaux.

            Car si ces paysages insulaires ne sont pas que des images touristiques commercialisables à loisir mais « ce que nous gardons en mémoire après avoir cessé de regarder », la mémoire de notre XXIe siècle débutant est un terrain vague, jonché de détritus et de cadavres auxquels Maylis de Kerangal rend un hommage d’une bouleversante humanité. Tombeau pour les migrants et les réfugiés qui frappent à nos portes closes, A ce stade de la nuit est bel et bien le récit salvateur de cette éternelle rentrée littéraire du pire. Réparer les vivants, écrivait-elle, tel est encore le programme.

 

                        Maylis de Kerangal, A ce stade de la nuit, Edition Gallimard, Collection « Minimales / Verticales ». 

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