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Blog littéraire.


Quelle révélation ?

Publié par olivier rachet sur 12 Août 2017, 18:48pm

    Dans certaines demeures rurales, des bois de cerf sont exposés au mur en guise de trophée cynégétique. Le cerf qui, de son côté, donne son titre au dernier roman de Caroline Lamarche, Dans la maison un grand cerf, renvoie tout d’abord au personnage de saint Hubert, passionné de chasse, que l’on fête chaque 3 novembre, jour précédant la date anniversaire du père de la narratrice. C’est au travers des bois d’un cerf que le futur saint vit un jour apparaître le visage de Jésus-Christ. Miracle, apothéose qui caractérisent le sacré lorsqu’il aborde les rivages de la mort.

    De la mort, il est question tout au long d’un récit qui parcourt les méandres de la mémoire, entre ravissement et peur panique. De celle du père de la narratrice disparu un certain 14 décembre, 40 jours et deux fois 40 ans après sa naissance. D’un ami libraire, vivant à Bruxelles, Bertrand, rencontré après que la narratrice se fut séparée de M, l’homme avec lequel elle entretint une relation amoureuse, neuf ans durant. Comment surmonter la perte du père autrement qu’en racontant une histoire d’amour et donc de disparition, se demande une narratrice déboussolée ?

    À chaque bref instant, une vie peut s’écrouler, pour un malentendu ou une erreur de jugement. La mort nous guette, à chaque instant, à l’image de ce papillon appelé le Machaon dont la durée de vie est éphémère : « Une vie, un jour. Comment se découpe une vie qui dure un jour ? Sans doute s’y trouve-t-il, comme dans toute vie, des moments creux, dans cette journée unique, sans doute le destin – naître un jour ensoleillé ou un jour de pluie – colore-t-il l’existence éphémère du papillon de manière encore plus irrémédiable qu’il ne colore nos vies faites d’un grand nombre de jours, la lumière de l’un corrigeant la tristesse de l’autre et vice versa. »

    Caroline Lamarche construit la trame de son roman comme une araignée tisse sa toile. Par entremêlement des motifs, par croisement des intrigues. Un terrible destin, qui n’est autre que celui de notre impensable disparition et de celle de ceux que nous aimons, se tapit au cœur de chaque péripétie. Le motif du bois de cerf rappelle souvent « la corne acérée du taureau » qui représentait pour Michel Leiris l’image de l’écriture autobiographique puisque « en raison de la menace matérielle qu’elle recèle », celle-ci confère « une réalité humaine à son art. »

     Ce n’est pas un hasard si les artistes ont alors la part belle dans un roman qui constitue la pratique artistique comme le nouvel horizon du sacré. De Niki de Saint Phalle à Berlinde de Bruyckere, nombreux sont les plasticiens à avoir affronté le danger pesant, tel une épée de Damoclès, sur chacune de nos existences pour le transfigurer en une œuvre plus ou moins pérenne. De l’art comme tauromachie mais aussi comme sublimation tragique.

Caroline Lamarche, Dans la maison un grand cerf, éditions Gallimard.

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