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Blog littéraire.


Tous dehors !

Publié par olivier rachet sur 1 Avril 2020, 20:18pm

   La Nouvelle Vague ou comment en finir avec un cinéma du confinement. On parlait alors de qualité française pour désigner a contrario un cinéma de studio prépondérant, issu le plus souvent d’adaptations littéraires. Un cinéma de l’occupation des corps et des esprits, dépourvu de toute improvisation. Un cinéma d’après-guerre qui semblait ne pas en avoir fini avec une certaine forme de propagande, comme le suggère entre les lignes Hakim Boulouiz dans son essai Désirs de rue ; L’urbain, une matrice pour un nouveau cinéma, consacré exclusivement aux courts-métrages des enfants terribles de la Nouvelle Vague que sont Godard, Eustache ou Truffaut : « Le jeune cinéma, écrit l’auteur, docteur en architecture et aujourd’hui photographe, prend le contre-pied du cinéma de Vichy, dont la lenteur évoque une société figée, marquée par les interdictions en tous genres. La rapidité incarne l’appétit d’un après-guerre dégagé du passé. Elle représente la liberté de déplacement et la flânerie par opposition au couvre-feu. » Un cinéma que Hakim Boulouiz définit à juste titre comme antinaturaliste, privilégiant la rapidité d’exécution, à mi-chemin de la fiction et du documentaire. Un cinéma de l’incise et de ce que le photographe Henri Cartier-Bresson définissait comme « l’instant décisif ». Comme souvent, Godard est celui qui résume en une formule définitive cet art de l’improvisation tout musical, dans un entretien accordé aux Cahiers du cinéma, en 1967 : « C’est en tournant qu’on découvre les choses qu’il faut tourner. » Comme les peintres impressionnistes allèrent peindre sur le motif, la plus grande maniabilité des caméras incite les jeunes cinéastes à partir à l’assaut, non de la campagne, mais d’un urbanisme en pleine métamorphose. Les courts-métrages évoqués ici, de Nadja à Paris de Rohmer, en passant par Le Père Noël a les Yeux bleus d’Eustache ou Montparnasse et Levallois de Godard, constituent le plus souvent des déambulations urbaines, où il s’agit d’être raccord avec un désir insatiable de voir et d’aimer : « Le flâneur de la Nouvelle Vague est un observateur détaché, attentif au burlesque des passants et à la splendeur des femmes qu’il croise par un étrange hasard. Il est un dandy, élégant à l’anglaise, se voulant être un anticonformiste non déclaré. Il ne perçoit la rue que sur un mode morcelé et déstructuré. Les visages, les parties du corps se comparent avec ceux des affiches publicitaires des rues. » Bien entendu, ces cinéastes ont aussi d’illustres prédécesseurs, notamment en la personne de Dziga Vertov dont Godard se réclamera, mais aussi de cinéastes tel qu’Eisenstein dont l’art du montage d’attractions est souvent mis à profit, de façon disons indicielle. Quant à savoir si la Nouvelle Vague, comme le défend l’auteur, est aussi marquée par l’existentialisme et la philosophie de l’absurde, la question mérite d’être débattue. Au-delà d’une réflexion, qui ne rechigne pas à être parfois didactique – cet essai constitue une excellente entrée en matière pour qui voudrait s’initier aux spécificités du langage cinématographique –, l’intérêt de ce livre réside enfin dans le parti pris iconographique d’illustrer son propos à partir de photos de rue prises par l’artiste lui-même. Choisies pour des raisons techniques ou thématiques, ces reproductions ont aussi le mérite d’interroger notre regard contemporain, façonné par l’instantanéité des réseaux sociaux que les cinéastes de la Nouvelle Vague se seraient, sans aucun doute, empressés de documenter, non sans ironie... On reste en attente de ces nouveaux regards que Hakim Boulouiz semble aussi appeler de ses vœux, et qu’avec d’autres street photographers marocains tels que Yoriyas ou Walid Bendra, celui-ci incarne aussi à sa façon.

Hakim Boulouiz, Désirs de rue ; L’urbain, une matrice pour un nouveau cinéma, éditions MétisPresses

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Crédits photo Hakim Boulouiz, courtesy de l'artiste

Crédits photo Hakim Boulouiz, courtesy de l'artiste

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