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Blog littéraire.


Du masochisme considéré comme un des beaux-arts.

Publié par olrach sur 14 Février 2013, 20:42pm

 

            Les œuvres de miséricorde de Mathieu Riboulet constituent une variation quasi liturgique sur les sept œuvres de miséricorde recensées par Matthieu dans son Evangile et admirablement illustrées par un tableau du Caravage. Leur credo repose sur la thèse selon laquelle la mémoire est une faculté et non une vertu. L’auteur prend alors sur ses épaules la mémoire des conflits ayant déchiré les nations allemande et française, depuis un siècle et demi. Les souvenirs de famille côtoient les réminiscences esthétiques et un hommage discret est rendu à ceux qui, tels Pina Bausch ou Fassbinder ont aussi cherché à surmonter le fardeau culpabilisant et tragique du passé. Le narrateur, pour sa part, se contente de franchir le Rhin pour coucher avec un allemand. Le récit navigue alors entre journal intime et confessions d’un homosexuel dont les expériences érotiques cherchent, quoiqu’en dise le narrateur, à racheter les fautes du passé.

            Les figures masculines qui parcourent le roman - d’Andreas de Cologne apparenté au bourreau qui dans le tableau de Caravage supplicie Jean Baptiste, à Adrien dont le corps rappelle le martyr de Saint Sébastien peint par El Greco, en passant par Tadjîn, un jeune kurde qui semble tout droit sorti d’un film de Pasolini ou de Fassbinder – dressent un tableau sulpicien de l’érotique homosexuelle. On songe souvent à Mishima ou à l’extraordinaire roman de Genet Pompes funèbres dont le masochisme de Riboulet perpétue les interrogations. Mais là où l’écriture de Genet constituait une transgression de l’histoire officielle, Mathieu Riboulet accomplit un travail de mémoire sacrificiel grâce auquel, pense-t-il, les victimes d’hier seront rachetées. Entre temps, l’homosexualité est devenue une cause pour laquelle on serait prêt à se battre, peut-être de nouveau. Les préjugés sont odieux et les tragédies du passé effroyables mais il n’est pas sûr que le masochisme qui consiste à porter sur ses épaules toute la douleur du monde, fût-ce au travers d’un érotisme débridé, apporte quelque salut que ce soit.

 

Mathieu Riboulet, Les oeuvres de miséricorde, Editions Verdier.

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