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Blog littéraire.


Le bonheur inaccessible

Publié par olrach sur 13 Février 2013, 20:33pm

C'est l'histoire d'un combat contre une lame de fond dépressive. Pierre Guyotat a quarante ans, il perd des proches, vit son destin d'exilé parmi les règnes de la nature. Humain à côté du minéral, du végétal, de l'animal, du divin. Homme errant, erratique, trouvant en chaque famille un palais inabordable, en chaque aventure un élan brisé. Fragments d'un coeur dont le sang s'est figé, fragments du choeur en pleine dépossession de sa voix intérieure, en quête d'une transfiguration de la voix en Verbe, douce mélodie des mots qui surplombent la douleur d'être seul et unique à la fois. Coma est le récit rétrospectif de cette plongée loin de soi, happé par la dépression qu'il suffit de nommer sans jamais la comprendre tout à fait. De voyages avortés en séjours psychiatriques, la vie de l'écrivain vient se briser telle une vague sur les rochers d'un corps et d'une âme qui ne se retrouvent plus.

Blessure d'amour, narcissique ou métaphysique, dans le fond de l'être, peu importe la cause. Nulle cause, nul effet. Aucun néant à accuser, aucun vide à mettre en jugement. Rien qu'une traversée de la perte de soi qui se confond avec l'angoisse éperdue de ne plus jamais être aimé. On croise alors des fantômes : celui de la mère, ceux des compagnons algériens de toujours, ceux des putains et ceux des animaux qui nous regardent. Leur présence rampante sur terre, dans les airs, sur les mers est comme l'ondulation du Temps. Ils nous voient tous mais nous ne les voyons pas.

Après la clinique, c'est l'entrée dans la dépression douce, la guérison lente : la récompense de cette traversée de la mort, c'est, au lieu du palais enchanté que l'on croit avoir gagné à la sueur de son sang mort, un monde désenchanté, sans relief ni couleur notables, des regards ternes qui ne vous voient plus, des voix toujours adressées à d'autres que vous qui revenez de trop loin, une obligation quotidienne à survivre, un coeur qui ne fait passer que du sang, et du sang qui ne chauffe plus. Il faut attendre. Sans colère. S'appliquer à se nourrir, à dormir, à se laver, à se vêtir, à marcher, chaque jour : le tout, presque seul, et sans même soi-même à ses côtés : essayer par-à-coups, si gauches, de reprendre du coeur.
Patience, patience,

Pierre Guyotat, Coma, Editions Mercure de France.

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